samedi, septembre 15, 2007

Deux d’argent, une d’or


Anthony Rodriguez avait donné son meilleur en atteignant la finale. Tiago Camilo le Brésilien, porté par son public était vraiment irrésistible. Après quelques secondes d’un « mano a mano » auquel le forçait Rodriguez, il transperçait le Français d’un seul « coup de patte », un ko-soto-gari, prolongé par une poussée parfaitement canalisée pour amener Rodriguez sur le dos et le ippon final. Rien à dire. Il était le plus fort, et de loin, aujourd’hui.




Lucie Décosse, bien sûr ? Et bien non. La Française, championne en titre, rencontrait la Cubaine Gonzalez, qu’elle avait battu deux ans plus tôt pour emporter le titre. D’entrée, la Cubaine se jetait dans ses jambes… et Lucie la renversait sur le côté avec ce sens « judo » dont elle a le secret. Elle… mais pas les arbitres qui ne repérait pas le mouvement et ne donnait pas à la Française le yuko qu’elle aurait mérité. Pire encore, alors qu’elle cherchait manifestement à donner du mouvement, à créer l’ouverture dans le judo en plomb de la Cubaine qui se contentait de peser le plus fort possible sur le col de son adversaire, simulant des attaques au jambe et finissant à genoux… c’est elle qui était pénalisé d’un shido. La suite était prévisible : on ne gagne pas contre une Cubaine, même fatiguée, qui mène à trente secondes de la fin, et surtout avec ce type d’arbitrage. Lucie courrait derrière son adversaire et devait finalement se rendre à l’évidence, le titre allait lui échapper… Triste constat, en profitant au maximum de la permissivité du moment en terme d’arbitrage et de la médiocrité des triplettes en piste, la Cubaine Gonzales, une combattante de la génération précédente, avec des méthodes tactiques remises en cour, venait de battre coup sur coup les deux meilleures féminines de l’ensemble du plateau, l’étincelante Tanimoto et la magnifique Décosse.




Alors ? Alors Gévrise ! Contre l’Américaine Roussey, elle parvenait encore une fois, par sa détermination et ses prises d’initiative à obtenir un shido d’avance. L’Américaine tentait de renverser le sort et Emane par la même occasion sur son sode-tsuri-komi-goshi puissant, mais la Française ne tombe jamais (ou presque) et c’est elle qui contrait l’Américaine pour yuko. L’affaire était entendue. Malgré la tentative de révolte de la jeune Roussey, la Française parvenait à emporter son premier titre mondial, le second pour la France, première nation mondiale à mi-parcours. Le Brésil a son deuxième champion du monde masculin, Cuba emporte aussi son deuxième titre. Et le Japon ? Il est étonnamment loin avec trois médailles féminines, mais sans or, et… aucune médaille masculine (aujourd’hui, Izumi est battu par le Russe Pershin, Tomouchi par l’Azéri Azizov). Peuvent-ils revenir ? Cette fois, c’est leur statut de première nation qui est en jeu.

Sorties de tapis, ils ont dit…

Gévrise Emane, championne du monde des -70kg« Difficile de comprendre vraiment, en sortant du tapis, que j’ai gagné le titre. Ce que je retiens d’ores et déjà, c’est que mon binôme avec Cathy (Fleury) a parfaitement fonctionné. Elle m’a dit : tu veux être championne du monde ? Alors va le chercher ! ». Elle a su me galvaniser. J’étais très déterminée, concentrée aussi pour aller décrocher ce que je n’avais pas réussi à faire en 2005. Deux ans ont passé, les filles me connaissent et j’ai donc orienté mon travail autour de la réaction sur mon seoi-nage en enchaînant par des ramassements de jambes, des arrachés… La différence s’est aussi faite sur le rythme et au kumikata où j’ai mis des choses très précises en place. Cette victoire, c’est aussi l’énergie que le groupe féminin véhicule. On a toute envie de faire comme Céline, Lucie, Fred… La médaille de Stéphanie (Possamaï) hier (jeudi, NDLR) a encore renforcé cette envie.

Lucie Décosse, vice championne du monde des -63kg« C’est dur… Je voulais vraiment prendre sa manche, faire tomber, mais je n’ai rien pu faire, elle (La Cubaine Gonzalez, NDLR), pas grand-chose non plus. Le shido ? Je ne sais plus quand et comment je le prends. Je ne devais pas rester en gauchère-gauchère, je ne pouvais pas lancer non plus parce que je n’étais pas dans ma situation d’attaque idéale. Je ne suis pas passé à côté de mon championnat, mais j’ai été impuissante en finale. J’aimerais vous dire que je préfère que cela m’arrive ici plutôt qu’aux JO, mais, même si c’est un peu vrai, je suis surtout dégoûtée. Perdre une finale mondiale… »

Anthony Rodriguez, vice champion du monde des -81kg
(En larmes après sa finale perdue contre le Brésilien Tiago Camilo) « Une finale, ça ne se perd pas. C’est sûr, en février, je voulais arrêter le judo. Il y a un mois, je n’étais pas sélectionné. Là, je suis vice champion du monde… J’ai avancé en ne pensant qu’à la finale. Là, j’ai voulu l’user (Camilo, NDLR), j’aurais dû plus oser. Je remercie mes parents, mes frères, mes amis d’Orléans, Olivier Depierre, qui m’ont soutenu durant tous ces mois difficiles.»